Central Park, par Pierre Alechinsky, 1965
Octavio Paz
« Argument. Certains disent, puisque le monde extérieur existe, qu’il faut le nier ; d’autres, puisqu’il n’existe
pas, qu’il faut l’inventer ; d’autres encore, que seul existe le modèle intérieur. Pierre Alechinsky hoche la tête
et, sans rien dire, peint un rectangle dans lequel il enferme le Central Park de New York, vue de sa fenêtre, à
la tombée du jour, les yeux fermés. Le rectangle cerne le parc ; il est divisé en espaces irréguliers, tous de
forme rectangulaire eux aussi, comme les loges d’un théâtre, les cellules d’un couvent, les cages d’un zoo. A
l’intérieur, dans chaque loge, grouillent des êtres bizarres qui, toutefois, semblent vaguement familiers : qui
sont-ils, eux ou nous autres, nous voient-ils ou les voyons-nous ?
Au-dedans du rectangle, Central Park s’est converti en un Cobra vert, noir et doré. Est-ce une anamorphose
d’Alice, dame de diamants dans notre jeux de cartes somnambule ?
La peinture n’est pas vision mais exorcisme. »
Octavio Paz